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Mieux parler l’anglais pour vivifier le français ?
par Jean Bourdariat
dimanche 12 février 2012
Les français parlent une langue qui fut, ou aurait pu être, une langue véhiculaire, parlée partout dans le monde. L’histoire en décida autrement, et ce furent nos voisins anglais qui purent et peuvent encore aujourd’hui prétendre à ce privilège, car c’en est un. Il s’agit d’un privilège inconscient, mais dont les anglophones bénéficient quotidiennement : il leur est naturel qu’un étranger se rendant dans leur pays s’exprime dans leur langue, naturel qu’en dehors de leur pays, les personnes qu’ils rencontrent fassent l’effort de parler anglais, naturel aussi que les milieux professionnels, scientifiques, universitaires, sportifs, utilisent leur langue lors de rencontres ou en s’exprimant devant les médias. L’hégémonie de l’anglais véhiculaire est aussi forte de par le monde que l’est celle, plus limitée, du français parmi les nations et ethnies d’Afrique subsaharienne.
Que faire face à ce quasi monopole international de l’anglais quand on n’est pas anglophone de naissance ?
Les attitudes se partagent entre ceux, professionnels, sportifs, artistes, qui se considèrent avant tout comme citoyens du monde, pour lesquels l’anglais est l’outil de communication le plus commode, et les autres, écrivains, hommes politiques, patriotes, alter-mondialistes qui pensent nécessaire de résister encore et toujours à l’envahisseur linguistique anglais comme les québécois y parviennent avec succès depuis plusieurs siècles (mais tous les québécois comprennent l’anglais). Les premiers sont portés par la recherche de l’efficience, les seconds par le souci de protéger la langue comme racine de la culture d’un groupe humain, d’une région ou d’un pays. Comme le dit l’anthropologue Wade Davis, « il est très perturbant de penser que la moitié des langues parlées au moment de votre naissance ne sont plus apprises aux enfants. Ce qui signifie que la moitié de l’humanité voit son patrimoine spirituel, social et culturel réduit à néant en une ou deux générations » (voir le livre : Wade Davis (2011), Pour ne pas disparaître, Albin Michel, Paris).
Le français n’en est heureusement pas rendu à la situation de ces langues dont le dernier locuteur disparaît (une langue meurt tous les quinze jours quelque part dans le monde, selon Wade Davis). Et s’il est bon que les français valorisent leur langue en la pratiquant, en la modernisant, en conservant les parler du passé, voudrait-on que les professionnels se tirent une balle dans le pied en exigeant d’eux un retour à la pratique exclusive du français dans les relations commerciales, scientifiques ou universitaires ? C’est pourtant ce que certains milieux académiques ou des syndicats de salariés souhaiteraient. On ne peut pas leur donner complètement tort. Ceux qui n’ont pas une bonne maîtrise de l’anglais savent qu’ils doivent mobiliser une partie de leur cerveau pour comprendre les autres et pour pouvoir s’exprimer, ce qui est un frein, voire un handicap : être obligé d’écouter et de s’exprimer ainsi donne le sentiment d’être moins intelligent. Les syndicats vont plus loin en parlant du stress causé par l’usage d’un langue imposée de l’extérieur.
Selon le point de vue duquel on se place, les affirmations sont assez contradictoires :
L’usage de l’anglais dans les échanges académiques ou professionnels favorise ceux dont c’est la langue maternelle au détriment des autres locuteurs.
L’usage de l’anglais permet l’expression des minorités linguistiques. Les locuteurs des langues minoritaires (lettons, scandinaves, …) sont mis au même niveau que les locuteurs de langues intermédiaires (français, allemand, italien, …).
Dans l’économie internationale, ne pas maîtriser l’anglais, c’est ne pas exister.
Le monolinguisme des anglophones est un handicap pour qu’ils comprennent la diversité culturelle du monde.
Les enfants bilingues, issus de parents parlant des langues différentes, développent la faculté de chercher des alternatives dans les situations qu’ils vivent, faculté que ne développent pas autant les enfants monolingues.
L’usage exclusif de l’anglais conduit à l’adoption inconsciente d’un vocabulaire, d’interprétations et de codes anglo-saxons, au détriment des cultures sous-jacentes aux autres langues.
Une langue n’est pas seulement un outil de communication, elle est aussi la culture porté par ses locuteurs natifs.
Peut-on éviter que l’usage de la langue anglaise écarte les autres cultures pour ne laisser place qu’à un seule culture, hégémonique, anglophone ? Des groupes de travail internationaux d’auditeurs et de financiers ont passé une dizaine d’années à concevoir les nouvelles « règles prudentielles » pour l’évaluation des actifs des entreprises et des banques (il s’agit des normes IAS/IFRS). Ces normes se sont conformées aux souhaits des anglo-saxons qui, en période économique faste, voulaient que les actifs soient évalués dans les bilans à leur valeur de marché. La crise commencée en 2008 a montré que ces règles dites prudentielles étaient plutôt « imprudentielles », mais les règles vraiment prudentes en vigueur jusqu’alors en Europe continentale, privilégiant une évaluation raisonnable ou même « pessimiste » des actifs, ont été balayées par cette nouvelle vision. Combien de français ont participé à ces groupes de travail, et parmi eux, combien avec une véritable excellence dans le parler anglais ?
Si nous, français, allemands, indiens, brésiliens, ne maîtrisons pas suffisamment l’anglais, notre influence pour élaborer des règles internationales baissera dans tous les domaines – économie, finances, environnement, etc….
Si un chercheur ne publie ses articles qu’en français, il ne sera pas lu ! Et si on incite les universitaires français à ne publier qu’en français, on déplorera l’insuffisant rayonnement international de nos universités et de nos laboratoires.
L’économie française fait partie des économies les plus ouvertes au monde. La France est encore le sixième exportateur mondial. Près de la moitié des entreprises industrielles qui exportent sont des filiales de groupes non français. Exiger de ces entreprises quelles reviennent à un usage exclusif du français serait le meilleur moyen de creuser les pertes d’emplois industriels que nous avons subies, 500.000 en dix ans.
Même dans des métiers dont on pourrait penser qu’ils sont franco-français, les choses changent. Ainsi à quoi servirait une autre langue que le français chez les notaires ? Détrompons-nous ! Depuis une vingtaine d’années, les notaires français ont monté avec succès un centre sino-français de formation et d’études juridiques, destiné à mettre en place le cadre du droit à la propriété en Chine, en s’appuyant sur le droit latin (et non la common law anglo-saxonne). Nous devons ainsi convaincre les nouvelles générations que le multiliguisme sera pour eux un atout quelle que soit leur profession, car gage de multiculturalisme, qu’un haut niveau (bilinguisme) de maîtrise de l’anglais leur ouvrira toutes les portes, face aux anglo-saxons natifs que leur monoculture dessert.
P.-S.
A ne pas manquer, le colloque du 7 mars 2012 : Le « tout anglais » dans l’entreprise : des mythes à la réalité et à la recherche de solutions alternatives. Cliquez sur l’image ci-dessus pour télécharger le programme.
Inscriptions avant le 2 mars auprès de Christine Maillet :
01 55 30 12 30 - christine.maillet@cfecgc.fr
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Colloque du 7 mars 2012 (PDF - 891.1 ko)
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